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Simon Laks appartenait au groupe de compositeurs polonais résidant à Paris depuis la période de l’entre-deux guerres et liés à l’Association des jeunes musiciens polonais. Il n’a jamais atteint une réputation internationale, bien que, à en juger par les premières critiques parisiennes, son talent ait été tenu en haute estime. Une partie de l’œuvre musicale de Simon Laks fut détruite pendant la guerre; par la suite, il composa peu, et son style, formé sous l’influence du néoclassicisme musical des années d’avant-guerre, ne subit pas de grands changements. Le compositeur, vivant dans le centre de la vie musicale internationale et réagissant sur le vif aux événements, se détourna par la suite de l’avant-garde musicale dont il était le contemporain. Son œuvre se développa indépendamment des changements stylistiques dominants et demeura jusqu’à la fin proche dans son inspiration esthétique de l’École de Paris, avec son culte du métier musical et sa reconnaissance de l’autonomie des droits du musicien. Les caractéristiques individuelles se manifestent sans doute le plus clairement dans le lyrisme vocal de Laks, qui représente une partie importante de son œuvre musicale.

Simon Laks est né à Varsovie. Sorti du lycée Tadeusz Czacki, il étudia pendant deux ans les mathématiques aux Universités de Wilno et de Varsovie. En 1921, il entra au Conservatoire de Varsovie, où il étudia l’harmonie avec Piotr Rytel, le contrepoint et la composition avec Roman Statkowski. Sa première œuvre exécutée à la Philharmonie de Varsovie en 1924 fut un poème symphonique, Farys (perdu). Après avoir quitté la Pologne en 1926, il passa quelques mois à Vienne, avant de se rendre à Paris où il continua ses études musicales (1927–29) au Conservatoire National sous la direction de Pierre Vidal (composition) et d’Henri Rabaud (direction d’orchestre). Il fut l’un des premiers membres de l’Association des jeunes musiciens polonais à Paris fondée à la fin de 1926 et y accomplit des tâches d’organisation. En 1928 il remporta une distinction au concours de composition de l’Association pour un Blues symphonique (perdu). Les œuvres de Laks furent inscrites au programme des concerts parisiens, entre autres son Quintette pour instruments à vent (perdu), son Deuxième Quatuor à cordes (perdu) et sa Sonate pour violoncelle et piano, dont la première eut pour interprètes Maurice Maréchal et Vlado Perlemuter. A Paris, le compositeur se lia avec Tadeusz Makowski; il devait fixer plus tard le souvenir de ces rencontres dans un texte figurant en appendice de la monographie que Wladislawa Jaworska a consacrée au peintre. Dans les années trente, il commença une collaboration artistique avec la cantatrice Tola Korian. « Je ne sais pas exactement », écrivit-il plus tard, « combien de chants j’ai écrit pour Tola. J’en possède quelques-uns sous forme manuscrite, d’autres ont été soit perdus, soit jamais copiés ». C’était là principalement des chants sur des textes polonais et français, dont beaucoup étaient de Tola Korian elle-même. Tola « n’hésitait pas à exécuter des chants difficiles dans leur teneur aussi bien que sur le plan musical, comme par exemple les Evangiles des Bienheureux de Balinski, d’une grande élévation religieuse, ou bien le bouleversant mélodrame d’Audiberti, Mon Général, sur le même pied que les insouciants Valse et Dédé le rêveur de Tuwim, pour se lancer sans préparation l’instant d’après dans le macabre L’héritier de Gaston Couté ». Comme l’a écrit le compositeur, le style d’interprétation de Tola Korian, sa « mimique, son geste et quelque chose d’insaisissable » donnaient à l’œuvre son expression véritable; d’autres chants naquirent de l’observation de sa manière d’interpréter.

En 1941, Simon Laks fut arrêté par les autorités allemandes occupantes et interné dans le camp français de Pithiviers, près d’Orléans. Déporté en juillet 1942 à Auschwitz II, il y survécut pendant plus de deux ans. Le 28 octobre 1944, il fut transféré au camp de Dachau, qui devait être liquidé le 29 avril 1945 par l’armée américaine. Le 18 Mai, il retourna à Paris. Il a raconté l’histoire de sa déportation et de sa survie à Auschwitz, où il fut membre, puis dirigeant de l’orchestre, dans Musique d’un autre monde (écrit en collaboration avec René Coudy, Paris 1948), et, dans la version polonaise révisée du livre, Gry oswiecimskie (Londres 1979, seconde édition 1998; traduit du polonais en anglais par Chester A. Kisiel sous le titre Music of another world, Northwestern University Press, Evanston, Ill. 1989. Une version française a été publiée aux Editions du Cerf sous le titre Jeux Auschwitziens, correspondant à celui de la version polonaise de 1979, en Septembre 1991, avec une préface de Pierre Vidal-Naquet; une réedition de la version française parût en 2005 sous le tître Mélodies d’Auschwitz. Traduction allemande Musik in Auschwitz, Droste Verlag, 1998; nouvelle édition, Boosey & Hawkes, 2014).

Après la guerre, Simon Laks s’installa de nouveau à Paris, tout en maintenant des contacts constants avec la Pologne, spécialement dans les premières années de l’après-guerre. En 1949, sa Ballade pour piano fut primée au 2e concours de composition F. Chopin. La même année, il reçut le 3e prix au concours de composition vocale sur des textes d’Adam Mickiewicz pour le chant « De pures larmes me sont coulées... ». De la période de l’après-guerre datent les œuvres instrumentales et vocales suivantes (choix) :

Huit chants populaires juifs (1947)
Poème pour violon et orchestre (1954)
Elégie pour les villages juifs (1961)
Quatuors à cordes nos.IV (1962, Grand Prix de la Reine Elisabeth 1965) et V (1963)
Concerto da Camera pour piano et 9 instruments à vents (1963, Grand Prix du concours de Divonne les Bains 1964)
Symphonie pour cordes (1964)
Concertino pour trio d'anches (1965)
Divertimento pour flûte, violon, violoncelle et piano (1966)

On retrouve dans l’œuvre de Simon Laks beaucoup de traits communs à la musique d’autres compositeurs du cercle de Paris, notamment Michael Spisak et Antonin Szalowski. Les traits caractéristiques du néo-classicisme se traduisirent chez Simon Laks par l’adoption des genres baroque et classique où les principes traditionnels de la construction formelle et de la facture instrumentale se combinent avec les moyens de l’harmonie tonale.

Les œuvres instrumentales de Laks sont caractérisées par un accomplissement technique typique de l’École de Paris, la construction formelle, le sens des proportions, une technique polyphonique maîtrisée, une pureté rythmique et une facture simple et d’une très grande pureté. Les formes cycliques (sonate, suite) dominent, le plus souvent conçues pour une formation de chambre. Les éléments typiques polonais ne manquent pas ici comme dans la Suite polonaise pour violon et piano (1935) et le 3e Quatuor à cordes, sans même parler des nombreux arrangements de mélodies populaires pour chœur (Echos de Pologne) et pour orchestre odéon (De chaumière en chaumière).

Les nombreuses chants de Simon Laks, dont grand nombre est édité pour la première fois chez Boosey & Hawkes, parviennent à fondre plusieurs sphères d’influence. Ils ont certainement leurs racines dans la tradition de la lyrique vocale romantique et du lied polonais, mais ils portent aussi clairement la marque du style français de l’entre-deux guerres. On peut les comparer par exemple avec les chants de Poulenc, bien que parfois ils se rapprochent des chansons de Kurt Weill. Le principe de la Gebrauchsmusik n’était certainement pas étranger au compositeur et on peut plus d’une fois situer ses œuvres vocales à la limite du genre du lied artistique et de la chanson populaire. Elles se distinguent par le sens du mot poétique, l’invention mélodique, une qualité vocale caractéristique, la transparence de la facture pianistique et l’originalité de la dissonance harmonique. Le compositeur laisse certaines « marges » à l’interprète, et la forme définitive des chants dépend beaucoup du « surplus » interprétatif.

A partir 1972, Simon Laks se consacra à l’écriture et à la traduction. A côté de la musique, il s’intéressait vivement aux problèmes linguistiques, et, ardent polémiste, il saisissait souvent la plume pour se prononcer non seulement sur des thèmes musicaux, mais aussi très volontiers sur des questions de bon style et des problèmes sociaux et politiques. Il est l’auteur de livres publiés en polonais à Londres aux éditions Oficyna Peotow i Malarzy (« Atelier des poètes et peintres »): Épisodes... Épigrammes... Épîtres... (1976); Polonismes... Polémiques... Politiques... (1977); Mot et contre-mot (1978); Jeux Auschwitziens (1979); Souillure de sainteté (1980); Journal des journées blanches (1981); Le tarif réduit coûte plus cher (1982); Ma guerre pour la paix (1983); La culture avec guillemets et sans (1984). Parmi ses traductions en français, on relèvera plus particulièrement Gauguin et l’Ecole de Pont-Aven de W. Jaworska (Neuchâtel, 1971); L’eau vide de K. Zywulska (Paris, 1972); L’œil de Dayan de Korab (Paris, 1974).

© Zofia Helman

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