Fantasio (OEK critical edition)

Pourquoi ce chef-d’œuvre qu’est Fantasio, l’opéra-comique en trois actes qu’Offenbach composa d’après la pièce éponyme d’Alfred de Musset, ne jouit-il pas aujourd’hui du succès qu’il mérite ? Tout simplement parce qu’aucune édition digne de ce nom n’a jamais existé. Seule une partition chant-piano a été publiée en France lors de la création en 1872, et à part une version allemande particulièrement remaniée et à l’orchestration apocryphe, aucun matériel d’orchestre authentique n’a jamais été disponible jusqu’à ce jour. Depuis la création de l’OEK, nous avons eu de cesse de rassembler les sources autographes éparpillées ça et là à travers le monde. Que ce soit à Londres, aux Etats-Unis, où les manuscrits ont été dispersés par fragments. Notre dernière découverte remonte seulement à quelques mois, avec tout un ensemble de numéros musicaux qui dormaient à Paris dans les archives de la famille du compositeur. Ayant enfin pu rassembler toutes les sources nécessaires, nous pouvons aujourd’hui vous offrir une édition complète de Fantasio présentant dans leur intégralité les trois versions conçues par Offenbach, et fort divergentes au demeurant : la version originelle pour un Fantasio ténor, celle de la création parisienne adaptée pour la voix de mezzo de Célestine Galli-Marié, la créatrice de Carmen de Georges Bizet, ou encore celle de le reprise viennoise, où le rôle principal se voit à nouveau transposé pour la soprano Marie Geistinger, l’égérie autrichienne d’Offenbach. Dès le début des années 2000, nous avons présenté à un public systématiquement conquis des extraits de ce véritable chef d’œuvre, que ce soit la fameuse Ballade à la lune, le duo entre Elsbeth et Fantasio, ou encore de magnifiques pages symphoniques. Bientôt il sera possible de découvrir enfin une pièce dans laquelle Offenbach a voulu mettre toute son âme, tout son génie. N’est-il pas lui-même un peu ce bourgeois mélancolique que la vie oblige à se transformer en bouffon ? Comme pour Les Fées du Rhin, composées en 1864, Fantasio fait partie de ces grandes œuvres qui annoncent Les Contes d’Hoffmann. Et ce n’est d’ailleurs pas innocent, si, comme pour Les Fées du Rhin, Offenbach n’hésite pas à réutiliser la musique de Fantasio dans son chef d’œuvre posthume. Pour nous, Fantasio est sans conteste une des œuvres seria les plus riches, les plus intéressantes, et en tout cas la plus aboutie, qu’ait pu composer Offenbach.

Jean-Christophe Keck