Verfremdung/Entfremdung (flute version)
(2002)Bote & Bock
La longueur de la pièce, onze minutes et demi, est déterminée par la bande produite à l’institut de musique électronique de Graz. Elle démarre peu après le début et se déroule tout au long de la pièce. Les six canaux de la bande engendrent un espace sonore qui entoure le public de tous côtés. Ils contiennent d’une part des sons qui entrent en interaction avec les instruments joués en direct, selon une coordination précise et des modes variés. Ils constituent en outre une chambre d’écho virtuelle dans laquelle les sons instrumentaux réels sont modifiés par manipulation électronique et plus ou moins multipliés en sorte que les instruments solistes, en jouant, sont confrontés à leur propre apparition de masse. Un revirement s’effectue: la transmutation (Verfremdung) sonore devient une aliénation (Entfremdung).
Comme dans d’autres composition d’Olga Neuwirth, il y a ici une espèce d’axe tonal. Il est constitué par la note ré, étoffée en un mini-cluster par les notes symétriquement voisines ré dièse et do dièse. Les notes centrales émmergent constamment parmi les sons de flûte dénaturés par des bruits de respiration, des trilles sur les harmoniques et diverses techniques multiphoniques. Il en va de même pour le petit cluster répétitif du piano qui sert de départ à des gammes créant un espace en expansion. On peut distinguer dans le déroulement formel sept sections dans lesquelles le matériau originel de la composition est soumis à un traitement chaque fois différent. Elles sont séparées par des points d’orgues de plus en plus courts dont le premier dure 51 secondes et le dernier 11 secondes. Pendant ces points d’orgue, le son des instruments live est interrompu tandis qu’il subit sur la bande un « morphing », une mutation du son du piano à celui de la flûte ; Ces deux instruments aux caractères extrêmement opposés perdent ici leur identité sonore et se fondent dans le timbre virtuel de l’électronique. Après un passage en croches calmes et souples dans lequel la flûte et le piano sont superposés en polymétrie puis une partie finale véhémente avec ses débris de motifs en double à quadruple forte, la pièce s’achève sur un épilogue de la bande dans lequel l’instrument à vent, que le piano dominait sur le plan acoustique, trouve un épanouissement inattendu.
© Max Nyffeler (traduction: Catherine Fourcassié)